Dans la plaine de Nonards

Dans la plaine de Nonards

Dans sa cuvette le lac asséché, la plaine de Nonards jouit d'un sol et d'une exposition privilégiés. Antichambre du pays de Beaulieu, elle s'ouvre au sud sur la Dordogne assagie, quittant ses turbulences montagneuses et hydroéléctriques. Côté nord, elle se carre à l'abri du socle granitique que fend pour la desservir la route descendant de Tudeils et, plus haut, des Quatre-Routes d'Albussac. Rectiligne dans sa traversée longitudinale, la route de la plaine de Nonards pousse son usager au volant à ralentir. A regarder. A s'interroger. Où sont les bruyères un moment entrevues, là-haut, vers Roche-de-Vic?

A quelques coteaux près, qui s'en vont toutefois culminer à 450 mètres d'altitude du côté de Rabiat, la commune de Nonards s'inscrit aux dimensions de la vallée qu'arrose la Ménoire et son affluent le Céroux.

Toutefois, elle doit bien concéder une part du gâteau à sa voisine Brivezac qui, par dessus le relief des Fourches, entend gérer dans la plaine ses hameaux de la Rougerie, de Chirac, de Chapoux, La Grèze et consorts.

Les limites entre les deux communes sont de pure convention, à défaut de repères naturels. Elles sont de bon voisinage!

Si la mairie de Nonards, en bord de route et au coeur de l'agglomération active, est posée à quelques 180 mètres d'altitude, l'église se trouve étagée 50 mètres plus haut, entre les maisons pelotonnées du village traditionnel.

Sur la petite route qui grimpe à Puy-d'Arnac, en contre-haut de la vallée et tout près de la côte, le clocher de Nonards s'élève discrètement.

C'est un clocher-mur percé de quatre baies, comme posé sur le vaisseau de l'église et avec deux cloches seulement. On dit qu'elles sont au repos. La seule cloche qui intervienne sur la vie de la paroisse est pendue dans un modeste campanile érigé à part de l'église, à quelques mètres de l'abside. Il est, bien sûr, que, là, le sonneur opère sans difficulté ni sans risque!

L'église de Nonards appartenait à l'Abbaye de Solignac (Haute-Vienne) lorsqu'en 765, elle fut pillée par le roi de France Pépin-le-Bref, lequel venait de ravager le "castrum" voisin du Puy-d'Arnac.

Passée à l'abbaye de Beaulieu en 859, cette église s'acquit une notoriété qui, passée à la postérité, est arrivée jusqu'à nous. Pour les soustraire aux Normands qui dévastaient leurs cloîtres, les moines de Solignac avaient entrepris de transférer à l'archiprêté de Brivezac les reliques de sainte Fauste d'Aquitaine dont ils avaient reçu la garde.

Parvenus à Nonards, bien que près de leur but, ils décidèrent de s'y reposer. Alertés, les religieux de Brivezac vinrent en procession rejoindre le précieux convoi, avec flambeaux et encensoirs. Ce fut là que se produisit le miracle.

La chronique raconte que le temps obscur devint serein et que, surtout, les chandelles éteintes portées en procession s'allumèrent d'elles-mêmes, hors de tout souffle de vent qui aurait pu les éteindre.

Devant les saintes reliques déposées à l'autel de l'église de Nonards, il se fit - rapporte-t-on encore - "beaucoup de guérisons et de prodiges". L'évènement valait d'être conté à nouveau.

D'une fontaine à l'autre

Placée sous le patronage initial de saint Martin de Tours, l'église de Nonards se réclame aussi de saint Cloud. Honoré, invoqué pour la guérison de certaines maladies, ce dernier est encore porté en procession jusqu'à la fontaine de son nom, chaque fin août et par les conscrits de l'année.

Cette fontaine Saint-Cloud garde des adeptes sur la région, qui viennent lui puiser de l'eau. Ils peuvent venir sans crainte ni retenue car, si saint Cloud la patronne toujours, la municipalité de Nonards en a obtenu de bons résultats d'analyse!

Cependant, à l'autre bout de la commune, en terrain calcaire, la Font-du-Drac n'a plus guère de raison d'être que celle de signaler son endroit. Il est vrai que le Drac, cette créature de l'enfer qui tourmenta nos anciens, n'a plus besoin d'absolutions : il semble définitivement disparu de nos campagnes.

Sur la berge de la Ménoire

Sur la berge gauche de la Ménoire, derrière le rideau d'arbres clairsemé, le château d'Arnac offre au promeneur un agréable tableau. On le dit datant du XVe siècle, peut-être même, pour partie, d'un temps plus reculé, et maintes fois restauré.

Il dut avoir pour premiers propriétaires et seigneurs les Asnac ou Arnac, dont il a gardé le nom. Cette famille, qui occupa d'abord le manoir perché sur la colline escarpée de Puy-d'Arnac, avait dû descendre s'implanter dans la riante plaine.

Elle en disparut en 1434 pour faire place aux Cornil, lesquels à leur tour furent suivis par d'autres de la petite noblesse de ce pays.

Après la Révolution, le château d'Arnac (on dit aussi de Moulin-d'Arnac) appartint au beau-père du maréchal Ney, dont le souvenir hante encore les lieux.

La renommée locale du château provient, en effet, du bref séjour qu'y aurait fait l'infortuné maréchal, pourchassé par la police de Louis XVIII après les Cent jours.

Le principal village de la commune se trouve d'être La Garnie, où règne un esprit local de bon aloi.

Ce village possède un petit sanctuaire dédié à Saint Roch, sans doute en souvenir des pestes qui sévirent sur la contrée, peut-être à la suite de celle du XVII siècle.

A la Révolution cette chapelle fut utilisée comme prison pour les suspects en instance de transfert à Brive ou à Tulle. L'histoire locale rapporte que, le 7 prairial an XII, Marie Bordes, fille majeure, fit l'acquisition de la chapelle de Saint-Roch et s'en dessaisit aussitôt en faveur des villages de La Garnie, du Bouix et du Chauze "pour la célébration du culte catholique ainsi qu'ils adviseraient".

Cette chapelle menaçait de tomber en décrépitude lorsque, voici quelques années, les habitants et les familles originaires du lieu s'unirent et décidèrent de la restaurer.

C'est chose faite; les uns ayant puisé dans leur escarcelle, les autres s'étant convertis en maçons, charpentiers et autres corps d'état pour faire oeuvre de bâtiment.

L'affaire collective a si bien marché que, depuis la remise en état de la Chapelle Saint-Roch, les mêmes se sont retrouvés pour se donner une " Maison de Village". Les uns ont financé, les autres ont travaillé; et tous ont dû s'y retrouver pour partager le réveillon. Voila bien une bonne entente qui mérite d'être donnée en exemple!

Cette contrée de la commune de Nonards se revèle en coteaux sur la rive gauche de la Ménoire. Elle était garnie de carrés de vigne. Elle en possède encore quelque peu et , dans le secret des maisonnées, on choque volontiers les verres de vin paillé.

La sacro-sainte liqueur, tirée du raisin doucement porté à la couleur de miel et pressé en janvier, est devenue un privilège de famille. En emporter tient de la performance, quitte à se le procurer sur la commune voisine! Le vin paillé est devenu rare.

Simon Louradour

Article tiré de "La Montagne" Février 1993