Le hameau de la Garnie, le bien nommé

Garnir une chose v. t : La pourvoir de ce qui est nécessaire...
Garni,e adj : qui est pourvu du nécessaire...
Dégarnir v. t : Dégarnir une vitrine (syn, Vider)...
Regarnir v. t : Garnir à nouveau...

Je sais une chapelle au fond d'un hameau dont le grand St Roch protège les badauds...

C'est un beau village au flanc d'un coteau dont la fière chapelle regarde d'en haut...,le fond de la vallée.

Ainsi revisitée, la célèbre chanson qui vante le fin clocher se mirant dans l'eau aurait pu s'adresser au village de la Garnie

Ce hameau à lui tout seul symbolise tout le charme d'un âge d'or révolu, il évoque de façon microcosmique l'évolution désastreuse des campagnes françaises durant le siècle finissant, mais il représente aussi l'espoir à l'aube du prochain millénaire!

Judicieusement niché au flanc d'une colline orientée au Sud-Ouest, il a été au fil des siècles, le cadre d'une lente mais irrésistible ascension vers une insolente prospérité. Les coteaux du versant, au-dessus du village, accueillaient les vignes fameuses tout autant que les vergers. Sur le plateau déjà argileux qui entame la descente vers la vallée, les terres grasses et riches fournissaient à profusion la manne céréalière. Sur le versant Nord-Ouest et plus bas, dans la vallée au bord de l'eau, les pâturages permettaient un élevage de qualité. Cent feux abritaient près de cinq cent habitants, le moindre recoin, la moindre parcelle étaient exploités et toute la région admirait non sans envie ce joyau, produit d'une organisation sociale et communautaire basée sur l'entraide et le travail. L'excellence des fruits du travail de la terre atteignait ici son paroxysme au point que le village, presque pays franc, vivait quasiment en autarcie. Cette débauche d'énergie, ce foisonnement d'activités s'accompagnaient d'une vie communautaire des plus riches et des plus remplies, sanctifiée dans la France éminemment catholique de l'époque, par la célébration annuelle de la fête de la Saint Roch.

Mais ici comme ailleurs, le bonheur de vivre, malgré les rudes conditions d'existence, va être frappé de plein fouet par le premier conflit mondial. Le village paye alors son tribut de jeunesse, mais il est surtout happé par la spirale infernale du "progrès".

Les conflits engendrent tous une accélération de l'évolution scientifique et la guerre de 14 ne fait pas exception à la règle; l'avènement de l'électricité, le développement du moteur à explosion à travers l'automobile, l'aviation puis bientôt la machine agricole, changent radicalement les modes de pensées, les rapports sociaux et les usages économiques. La mécanisation, puis plus tard, l'engraissement chimique font croître les rendements de façon spectaculaire entraînant l'abandon progressif de l'usage de la main d'oeuvre et par conséquence chacun se replie sur son quant-à-soi et son égo•sme, mettant ainsi à mal une organisation sociale presque parfaite. Les lumières de la ville attirent tous ceux qui ne peuvent plus vivre au pays et même les autres. L'exode rural se met en marche, il ne fera que s'accentuer et l'après deuxième guerre mondiale emballera le processus.

Il est une invention, née de ce dernier conflit, qui va bouleverser la seconde moitié du vingtième siècle : l'apparition des semi-conducteurs et particulièrement du transistor. Ils seront les balbutiements de l'extraordinaire mutation technologique que nous sommes en train de vivre à travers le règne bientôt sans partage de l'informatique. Pour la Garnie, cette période de l'après-guerre sonne l'hallali et la désertification devient une réalité. Seule demeure l'exploitation des terrains cultivables de façon rentable à l'aide de la machine; à l'heure actuelle, deux exploitations produisent à elles seules plus que tout le village au début du siècle... De plus l'hémorragie humaine s'auto-alimente : moins d'agriculteurs, moins d'habitants, donc disparition des services, des artisans etc...

Et le combat cesserait, faute de combattants?

Le phénomène n'est pas inéluctable.

Manifestement, les temps anciens ainsi révélés ne revivront jamais en tant que tels, mais leur description, même nostalgique, stimule notre imagination et certains signes avant coureurs indiquent que les racines sont seulement endormies et ne demandent qu'à surgir à nouveau au soleil. Ainsi la fête de Saint Roch qui renaît de ses cendres, vient très justement nous rappeler que l'on peut faire revivre le meilleur du passé.

Voila réalisé l'état des lieux, certes le territoire a gagné quelques friches mais le patrimoine a tout de même été transmis.

Allons nous le laisser disparaître à tout jamais?

Nous vivons dans une région privilégiée, il n'est que de constater l'engouement extraordinaire qu'elle suscite auprès de nos voisins anglais, allons nous abandonner notre héritage?

Les solutions pour l'avenir existent; les conditions ont changé, qu'à cela ne tienne, adaptons nos comportements à la nouvelle donne.

Les atouts ne manquent pas, à nous de les révéler et de les mettre en valeur.

(A suivre).

COLGUT