Il est une grotte...

 


Il est une grotte, à Nonards
Que la ronce, aux mortels regards
Dérobe sans cesse.
Or, depuis quarante cinq ans,
assurent bas, les vieilles gens,
s'y cache une déesse.
 
C'est une femme aux cheveux blancs,
Aux seins gonflés, aux yeux troublants,
Idole du monde,
Qui, dit-on encore avec peur
Confiait au jour qui se meurt
Sa détresse profonde
 
Du Puy d'Arnac à la Dancy
De Tudeils à Lestrade, ainsi
Qu'une atroce plainte,
Dans l'ombre gémissait sa voix
Et l'âme pieuse des bois
S'en trouvait comme étreinte...
 
Mais un soir d'Août Nonards surpris
Entendit croit-on, des esprits
Gazouillant une ode;
Une prière aux Epis d'or
Que joyeuse fauchait la Mort
Aux grands yeux d'émeraude...
 
Et la Déesse aux blancs cheveux,
Plus mystique invoquait : "-Je veux
La caverne en fête!
Roulez tambours! Vibrez clairons!
O mes fils lavez les affronts
Et vengez la Défaite
 
Maintenant je ne pleure plus,
Car il vous faut, ô mes Elus,
Braver la fournaise!
Allez soldats au coeur d'airain,
Là-bas où coule notre Rhin
Chantez la Marseillaise!"...
 
Mil neuf cent quatorze, 2 Août!
Entier, le Lemouzi debout
Fut prêt aux Revanches...
Partout ce ne fut qu'un seul cri :
"-FRANCE!" Et la ronce se couvrit
De roses toutes blanches...
 
Or, depuis ce jour merveilleux,
Des Etoiles quittent les cieux
Pour la grotte obscure;
Et vont saintement d'y poser,
Afin d'y cueillir le baiser
De la Déesse pure;
 
Car chaque Etoile, d'un soldat
Est l'âme qui, dans le combat
Fut brave et digne.
Aussi, quand un astre sans bruit
File radieux dans la nuit,
A Nonards on se signe...
 
Il est une grotte à Nonards
Où se cache encore aux regards
La fière Déesse;
Mais, du Passé au vieux terroir
Monte au lieu de pleurs chaque soir,
Un hymne d'allégresse!...

Maurice Dufresne

Le trait d'Union, Septembre 1915